AXE 5
Cultures du politique
et du religieux
de la Renaissance
au XIXe siècle

Il y a tout d’abord un champ de questionnements polarisés
sur L’espace politique de l’expression à l’épreuve des guerres de religions en Europe : discours, gestes, objets.
Il s’agit d’étudier l’implication des populations européennes dans le schisme religieux et les conflits violents qu’il détermine.
La crise religieuse qui touche l’Europe au cours du long XVIe siècle est appréhendée sous l’angle de la quête du salut
et comme un puissant vecteur de politisation de la population atteinte dans sa vie quotidienne.
À la croisée de l’histoire de la culture et de l’histoire du politique, dans une démarche résolument pluridisciplinaire
mobilisant littérature, sciences sociales, histoire de l’art, il s’agit de considérer les expressions individuelles et collectives
– verbales ou non-verbales, orales ou écrites, manuscrites ou imprimées –
par lesquelles interviennent des procédures de mobilisation : le geste violent comme langage,
le chant et la chanson comme pratique et média,
la cour et ses bouffons interagissant sur le service comme fondement du lien politique,
le juste et l’injuste, la transcendance en actes, l’innocence et la culpabilité,
l’écriture ou le pouvoir en acte, la régulation et le dissensus, la nécessité de l’histoire….
Et surtout l’objet des réflexions est ici de conduire une interrogation sur le concept de guerre de religion
envisagée dans les intrications d’un désir salvifique et d’une action instrumentalisant le politique ou se confondant avec lui.
Il y a en second lieu la thématique des Imaginaires de différentiations jouant au niveau des psychés collectives et individuelles
placées dans des situations de différentiations du fait de la remise en cause de l’unité de religion.
Sont scrutées les interrogations sur les rapports conflictuels entre l’ici-bas et l’au-delà,
sur la montée en puissance de cultures du doute sur soi, sur la part de l’angoisse eschatologique
comme vecteur de parcours dissociés, sur l’ipséité, happées ou fascinée par des fantasmes et de projections, sur la tentation démonologique
qui peut étendre ses imaginaires jusqu’au registre du politique et du social.
Une anthropologie des fictionalisations de l’altérité suit donc celle des modalités et des pratiques de la rupture de la foi.
C’est l’intériorité du sujet croyant qui est ici donc questionnée,
dans sa capacité à créer tant des hantises de fin que des attentes de renaissance.
En troisième lieu, une troisième interrogation est structurante autour de Catholicismes en transition,
avec plusieurs points de fixation :
la temporalité du Concile de Trente vu comme une réforme de la Réforme entendue dans une longue durée
et mise en œuvre par des acteurs qui demande une programmation analytique ;
le temps d’une quête de « l’entre-deux confessionnel», le temps d’une « religion française »
qui demande de dépasser l’opposition « romanité »/ religion gallicane.
Trois grandes problématiques définissent le travail accompli par les chercheurs qui opèrent dans cet axe.
Il y a tout d’abord un champ de questionnements polarisés sur L’espace politique de l’expression à l’épreuve des guerres de religions en Europe : discours, gestes, objets. Il s’agit d’étudier l’implication des populations européens dans le schisme religieux et les conflits violents qu’il détermine.
Il y a en second lieu la thématique des Imaginaires de différentiations jouant au niveau des psychés collectives et individuelles placées dans des situations de différentiations du fait de la remise en cause de l’unité de religion.
En troisième lieu, une troisième interrogation est structurante autour de Catholicismes en transition.
Les enfants bourreaux au temps des guerres de Religion (1559-1572)
Il s’agit de s’interroger sur la présence, dans le temps des violences interconfessionnelles qui déchirèrent la France entre 1562 et 1598, d’enfants catholiques âgés de six à douze ans qui participaient à l’exécution des hérétiques ou s’attaquaient rituellement à leurs cadavres, se faisant ainsi tueurs, massacreurs et tortionnaires. Comment expliquer une telle présence des enfants au cœur de la violence qui emporte le catholicisme militant dans des rêves sanglants ? L’innocence et la pureté de ces jeunes bourreaux sont paradoxalement exaltées dans des chansons, des sermons, et sont impliquées dans les rituels de mise à mort, sorte de théâtre biblique impitoyable, qui confèrent au combat des hommes pour le salut une signification prophétique.


Humanisme, réformes et conflits religieux
Grand mouvement de renaissance intellectuelle et culturelle, fondé sur une rupture avec le Moyen Âge, un retour à la culture antique et une foi dans la perfectibilité de l’homme, l’humanisme a nourri les réformes du XVIe siècle dans un contexte d’angoisse religieuse et eschatologique extrême. Dans ce dossier de la Documentation photographique, Denis Crouzet montre le souci de “désangoissement” qui préside aux différentes réformes religieuses et analyse les conflits et la violence déchaînés par la rupture de l’unité chrétienne.
L’imaginaire du doute (circa 1470-circa 1550) dans la chrétienté européenne.
Ce projet de recherche vise à mettre en valeur la montée en force d’une subjectivité du doute, qui est une remise en cause de soi. Un délitement de l’intériorité qui procède de plusieurs données qu’il s’agira de reconnaître à travers un jeu dialectique du sujet et de la société.


« Le XVIe siècle est un Héros »
Cette recherche en cours doit donner lieu à une publication (2021) qui s’intitule : « Le XVIe siècle est un héros » ou Michelet, l’invention de la Renaissance et l’unité du genre humain. Son titre dérive d’une formule de Michelet dans le volume VII de son Histoire de France dans lequel fut inventé, avant Jacob Burckhardt, le concept d’une « Renaissance » succédant à la « tyrannie » du Moyen Âge et précédant un XVIIe siècle de régression. Il s’agit, à partir de cette déclaration de foi personnifiant une séquence historique distinctive, de se poser plusieurs questions : pourquoi le XVIe siècle a-t-il, depuis le milieu du XIXe siècle, été la balise autour de laquelle l’historiographie française a construit la plupart – ou pour être mesuré, certains – de ses grands renouvellements herméneutiques, pourquoi a-t-il joué un rôle quasi-héroïque au sens où les changements qui se lisaient dans son développement factuel ont fait naître en France de nouvelles façons de penser l’histoire et l’art de faire de l’histoire –ainsi avec Lucien Febvre ou Fernand Braudel, entre autres ? Pourquoi le XVIe siècle parle-t-il peut-être plus qu’une autre séquence de l’histoire ?
Chanter sa foi. L’espace sonore de l’expression politique et religieuse dans la France du XVIe siècle
Ce projet est consacré à l’étude de la chanson en tant que média permettant la diffusion des informations politiques et religieuses et au chant en tant que pratique militante pendant les troubles politiques et religieux du XVIe siècle. Il s’agit d’un projet individuel, mené dans le cadre de la préparation d’une habilitation à diriger les recherches, mais qui appuie sur deux projets collectifs : la constitution d’une base de données numérique sur les chansons du XVIe siècle, menée avec le laboratoire de musicologie IREMUS (CNRS) et un séminaire de recherche avec l’URF de musicologie consacré à Artus Désiré.

"Chansons sur l'air de" du XVIe siècle français"
Ce projet est organisé autour de la construction d’une base de données qui recense les chansons se chantant « sur l’air de », c’est-à-dire, publiées ou transcrites sans partition, sur toute la longueur du XVIe siècle et toutes thématiques confondues. Ce projet est conduit en collaboration avec Alice Tacaille, maîtresse de conférences habilitée en musicologie (Sorbonne Université), et avec le centre de recherche IREMUS (musicologie, CNRS).

Servir le prince, servir la République dans l’Europe des XVIe-XVIIe siècles
Servir : le terme peut paraître banal aujourd’hui parce qu’il a perdu de sa charge signifiante par rapport à un temps où les rapports interpersonnels ont une dimension prédominante. À l’époque moderne, il est au cœur des liens politiques : il modèle les comportements et les discours et constitue un imaginaire des plus puissants. Il n’a pour autant fait l’objet que de rares études spécifiques : une synthèse européenne embrassant tous les acteurs – au-delà de la noblesse – constitue un apport nécessaire à une anthropologie politique de la première modernité.

dans les marges de l’Éloge de la Folie d’Érasme (1515),
Cabinet des arts graphiques du Kunstmuseum Basel.
Rire et dérision en politique au temps des guerres de Religion
Au début de l’époque moderne, le fou à la cour de France se fait bouffon. Il cesse d’être un simplet dont on se moque ou un simple acrobate qui amuse pour devenir un professionnel de la dérision. Protégé par le souverain, sa popularité s’étend à l’ensemble du royaume. S’il est au service du pouvoir, il dispose d’une marge de manœuvre certaine : tout son art repose sur la transgression. Pendant un siècle et demi trône auprès des souverains une figure incarnant un rire engagé, qui se mêle des combats de l’actualité, mêmes les plus sensibles.
Jacques Davy Du Perron (1556-1618) : passeur entre les mondes européens
Prélat, cardinal, diplomate, courtier, poète et rhétoricien, la vie de Jacques Davy Du Perron (1556-1618) traverse plusieurs mondes, en France et en Europe. Admiré par certains, haï par d’autres, Du Perron était une figure emblématique et incontournable de son époque. Ce projet fournit l’occasion de le remettre au premier plan, et d’essayer de comprendre dans toute sa complexité et dans toute sa richesse, son investissement.

au-dessus du mausolée construit en 1636 pour lui et son frère
par leur neveu dans la cathédrale de Sens
Le Projet GORDES
Le projet GORDES (Groupe d’Observation et de Recherches sur les Documents Epistolaires du Seizième siècle), est un projet d’Histoire moderne centré sur l’étude des premières guerres de religion en France, entre 1565 et 1576. Il repose sur la mise en valeur des 31 tomes de la série « K » appartenant au fonds d’archives du Château de Chantilly. Cette série est composée de plus de 7 000 lettres reçues par Bertrand-Raimbaud de Simiane, baron de Gordes, lieutenant général du roi en Dauphiné entre 1565 et 1578. Il s’agit d’un projet participatif à plusieurs niveaux. Institutionnellement, le projet GORDES est le fruit de partenariats et de conventions conclus entre l’Institut de France, représenté par le conservateur de la Bibliothèque et des Archives du Château de Chantilly, l’Université Paris 13, par l’intermédiaire du laboratoire PLEIADE et du Lab’ TTN, la fondation d’entreprise LA POSTE, et le Centre Roland Mousnier, dont deux membres (Mark Greengrass et Sylvie Daubresse) y participent.
Les réformes liturgiques catholiques en Bohême et en Europe centrale à l'époque moderne
Nicolas Richard a rédigé une thèse en cotutelle entre l’Université Charles de Prague et Paris-Sorbonne. Elle portait sur « clergé paroissial et changement religieux dans l’archidiocèse de Prague, entre le Concile de Trente et la fin du XVIIe siècle ». Elle a été soutenue le 9 décembre 2013. Son post-doctorat, comme pensionnaire à la Fondation Thiers (2012-2015), s’intitulait « Universalisme et culture locale en Europe centrale à l’époque baroque : l’exemple des réformes liturgiques en Bohême ». Maître de conférence à Sorbonne Université et membre titulaire du Centre Roland Mousnier depuis l’automne 2020, il développe un projet de recherche à long terme sur les réformes liturgiques catholiques en Bohême, et plus largement en Europe centrale, à l’époque moderne.

Bossuet, une religion française
Jean-Louis Quantin est engagé dans un projet qui pourrait s’appeler Bossuet, une religion française et qui s’efforce à la fois de saisir la forme de catholicisme dont Bossuet s’est fait le défenseur et le porte-parole et de suivre les appropriations idéologiques dont ce modèle, étroitement lié à l’Ancien Régime, fit l’objet au XIXe siècle. Il mettra au premier plan la notion de « styles », telle que l’entend l’historiographie anglo-saxonne récente, à savoir des « synthèses » construites par des groupes en conflit, et qui diffèrent moins par leurs éléments constitutifs que par l’accent mis, parmi ceux-ci, sur les uns ou les autres. Il entend ainsi surmonter l’opposition historiographique tenace entre deux blocs, romanité et religion gallicane (cette dernière fréquemment caractérisée comme « anti- romanisme », comme si elle avait été toute négative), pour caractériser différents « styles » de catholicisme et la manière dont ils se définissent les uns par rapport aux autres. Jean- Louis Quantin sera également associé à un ample projet, dont il est le consultant on patristic scholarship : The Oxford Traherne, édition critique et annotée des œuvres complètes de Thomas Traherne à Oxford University Press prévue en 14 volumes (http://oxfordtraherne.org/). Il édite en collaboration le traité anti-catholique, Roman forgeries, relevant de la tradition anglaise de la philologie confessionnelle (1673).