Guerres et sorties de guerres
L’espace sonore
de l’expression politique et religieuse
dans la France du XVIe siècle


Nicolas Le Roux


Résumé

Ce projet prend deux formes.

D’abord, dans un esprit collaboratif, Nicolas Le Roux est engagé dans la direction d’un gros volume sur les guerres de Religion en Europe dans toutes leurs dimensions. Il s’agit d’étudier les formes de la guerre, les circulations internationales (hommes, idées, ouvrages), l’expérience des conflits, les formes de territorialisation des constructions partisanes et des rivalités et les modalités de pacification.

Ensuite, dans le cadre d’un projet collectif sur les « sorties de guerre », il s’agit d’interroger la façon dans les sociétés européennes sont passées de la guerre civile à la paix au XVIe siècle. Tout l’espace européen touché par les guerres sera traité : Confédération helvétique, Empire, France, Pays-Bas… Il s’agit d’analyser les formes d’accommodement, légaux ou informels, les politiques d’oubli ou au contraire l’entretien de la mémoire des troubles, l’écriture de l’expérience de la guerre.

Est envisagé également un ouvrage sur la culture nobiliaire de la violence, qui présentera des chevaliers écartelés entre différentes formes de fidélité ou d’obéissance.


Descriptif du projet

Il s’agit d’étudier les formes de la guerre, les circulations internationales (hommes, idées, ouvrages), l’expérience des conflits, les formes de territorialisation des constructions partisanes et des rivalités et les modalités de pacification au xvie siècle.

Le message de Calvin connut un véritable succès à partir des années 1540 et une partie de la noblesse se convertit. La disparition inattendue d’Henri II en 1559 provoqua une crise politique, et pour certains grands seigneurs, la conversion aux idées nouvelles pouvait constituer une forme de contestation du pouvoir que le duc de Guise et son frère, le cardinal de Lorraine, exerçaient. Une logique quasi insurrectionnelle s’engagea à partir de 1560, et dans ce contexte très tendu on décriminalisa progressivement l’hérésie, jusqu’à accorder une liberté de culte, certes contrôlée, à « ceux de la nouvelle religion » en janvier 1562.

Cette logique de coexistence, si ce n’est de véritable tolérance, était radicalement nouvelle, mais le royaume bascula dans la guerre civile. Face à la « tyrannie » des Guise, responsables du massacre de Wassy et coupables d’avoir pris le contrôle de Paris et de la famille royale, les huguenots se soulevèrent au nom du roi et de la loi. La logique d’entrée en guerre sera scrutée avec attention. Il s’agit de comprendre les mécanismes de la mobilisation de partisans, de l’organisation des armées, de l’établissement de relations diplomatiques avec des alliés étrangers…

La question de l’information et de la justification des comportements belliqueux est également essentielle. Les troubles de religion provoquèrent en effet une véritable révolution de l’information. Les lettres jouaient aussi un rôle essentiel dans la circulation des nouvelles. Un « public », urbain et alphabétisé, acquérait livres et images, les lisait et les annotait parfois. Cette dimension se situe au cœur de l’analyse.

Les pratiques de sortie de guerre restent mal connues. Il faut analyser les formes d’accommodement, légaux ou informels, les politiques d’oubli ou au contraire l’entretien de la mémoire des troubles, l’écriture de l’expérience de la guerre. Face aux déchirements civils et religieux, l’Europe du xvie siècle a mis en œuvre des formes de pacification et des principes de reconnaissance de l’altérité religieuse jusqu’alors inconnus. Les paix qui mirent fin aux conflits ouverts dans l’Empire (1555) ou en France (1563, 1568, 1570, 1573, 1576, 1577, 1580, 1598) fixèrent les principes de la liberté de conscience et de la liberté de culte, sous une forme limitée pour la seconde. L’édit de Nantes n’inventa rien, mais il fut signé à un moment où le royaume était pacifié, et dans un état d’épuisement tel que les acteurs étaient enfin prêts à l’accepter, et c’est pour cela qu’il put être appliqué. Il était néanmoins pensé comme une mesure temporaire. L’idéal d’unité restait fondamental dans ces sociétés qui se pensaient comme des corps mystiques et politiques. Par moments et par endroits, on réussit à faire passer la raison civile avant l’appartenance religieuse, comme en témoignent les pactes d’amitié signés par les habitants de certaines villes qui craignaient la reprise de la guerre et les ravages des soldats venus de l’extérieur. C’est ainsi qu’on pouvait se proclamer amis et concitoyens, plutôt que catholiques ou protestants.

Est envisagé également un ouvrage sur la culture nobiliaire de la violence, qui présentera des hommes (ou des femmes) écartelés entre différentes formes de fidélité ou d’obéissance. Les attitudes politiques de la noblesse ont déjà donné lieu à plusieurs recherches ayant pour thème commun la question de l’obéissance et de la fidélité qui seront poursuivies. Dans une société où le lien personnel primait sur toute autre forme d’attachement, quelle était la position des gentilshommes qui s’interrogeaient sur la légitimité de leur souverain ? Le sentiment de l’honneur est essentiel dans le comportement aristocratique. Il s’inscrit dans une culture de l’affirmation de soi et de la défense du nom. Mémoires et lettres permettent d’appréhender le sens de l’honneur qui animait les hommes d’épée mais aussi les gens de robe et les serviteurs du monarque. Le cas des rebelles catholiques, à l’époque de la Ligue, a offert un utile contrepoint à l’analyse des comportements de loyauté des membres de l’entourage royal.

La culture nobiliaire féminine mérite elle aussi d’être mieux connue grâce à l’étude des correspondances (lettres inédites de la duchesse de Guise, de la duchesse de Montpensier, de la duchesse de Nemours…) et de différents types de documents capables de révéler le fonctionnement concret des maisonnées aristocratiques en temps de troubles (notamment les actes notariés).

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