Réseaux urbains, espaces économiques et
construction des États régionaux
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Fabien FAUGERON
Résumé
Cette enquête vise à mesurer le rôle et la place des villes dans la formation de marchés régionaux au sein des États territoriaux de la Renaissance, à travers l’exemple du Stato di Terra vénitien, appréhendé comme un système complexe, polycentrique. Elle porte de nombreux développements : par exemple, la recherche d’une coïncidence entre un « moment économique » et un « moment politique » dans la constitution des nouveaux ensembles territoriaux a conduit à réfléchir sur l’évolution des systèmes de pouvoir et le développement d’une bureaucratie étatique propres à l’Italie centro-septentrionale, avec la transformation progressive de certaines communes urbaines en capitales d’États régionaux.
Présentation du projet
La question de la formation de marchés régionaux et subrégionaux au sein des États territoriaux de la Renaissance et le problème de la place des villes dans ce processus ont commencé de retenir mon attention en 2005 (congrès d’Istanbul de la SHMESP). Les changements apportés par le développement d’un État régional au niveau des rapports de pouvoir, de la hiérarchie urbaine, de la production et des systèmes de distribution des marchandises sont au cœur de cet axe de recherche, repris après l’achèvement de ma thèse.
Si la problématique des « réseaux urbains » a permis de penser la ville autrement que comme « monade » et a fécondé de nombreuses études sur l’Allemagne, la France (Lorraine et Oberrhein), l’Angleterre, ou encore la Bohême et la Norvège, force est de constater que l’historiographie italienne, à de rares exceptions près, est restée plutôt imperméable à ces approches, malgré une réflexion précoce et approfondie sur les rapports économiques entre la ville et son district.
Un cas d’étude, celui de la proche Terre Ferme vénitienne, est actuellement l’objet de recherches conduites principalement aux archives de Venise, de Trévise et de Padoue. L’analyse de la complexité des flux d’hommes, de marchandises et de capitaux qui structurent l’hinterland vénitien entre ces trois villes entend préciser le fonctionnement d’un espace économique subrégional grâce à l’exploitation des registres de douanes et grâce à des dépouillements sélectifs des archives notariées. Les premiers résultats de cette enquête ont fait l’objet du mémoire de l’École française de Rome remis en juillet 2011 à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
À l’occasion d’un colloque international à Padoue (publ. 2015), un cas d’étude a pu être approfondi, celui du rapport entre politique annonaire et circulation des céréales en lien avec la question du passage de la cité-État à l’État régional. Je poursuis actuellement le dépouillement des dizaines de milliers de photos d’archives réunies lorsque j’étais en poste en Italie et lors des séjours de recherche que j’effectue chaque été depuis 2013 pour 2 à 3 semaines dans les archives de Vénétie.
Avec Adrien Carbonnet, dans le prolongement de ce projet et dans une perspective comparatiste avec les réseaux urbains du Nord de la France, nous entendons développer un thème de recherche consacré à « La fiscalité, les villes et les pouvoirs centraux en Europe (XIIIe-XVe siècle) : négociations et contestations » : ce thème constituerait le prochain programme biennal (2025-2027) de journées d’études destinées à nos étudiants de master ainsi qu’à la publication de documents inédits (au terme du cycle sur “les élites combattantes” en 2023-2025). Il déboucherait aussi sur l’organisation d’un colloque en 2026 ou 2027.