Faire communauté dans les villes de la péninsule ibérique


Alexandre Giunta

Résumés

Ce projet s’intéresse à la place des minorités et aux relations entre les différentes communautés confessionnelles dans les villes de la péninsule ibérique aux XIe-XIIe siècles. En effet, au lendemain de la conquête, les souverains chrétiens hispaniques mettent en place un nouveau pouvoir dans les villes nouvellement acquises : un des enjeux majeurs reste la gestion de la diversité confessionnelle liée à la présence de communautés musulmanes et juives à l’image de Tolède en 1085 ou de Saragosse en 1118. Il s’agit également de poser un regard sur le dynamisme de ces villes et de leur aptitude à s’organiser en communauté politique capable de négocier avec la monarchie.

This project looks at the place of minorities and relations between different religious communities in the towns of the Iberian Peninsula in the 11th-12th centuries. In the aftermath of the conquest, the Hispanic Christian sovereigns had to administer and govern the newly-acquired cities: one of the major challenges was managing the religious diversity associated with the presence of Muslim and Jewish communities, as in Toledo in 1085 and Zaragoza in 1118. We also need to look at the dynamism of these towns and their ability to organise themselves into a political community capable of negotiating with the monarchy.


Présentation du projet

Tout en restant attaché aux territoires de la frontière dans la péninsule Ibérique, ce projet cherche à étudier les rapports entre les différentes communautés confessionnelles dans les espaces urbains aux XIe-XIIe siècles. Au lendemain de la conquête, les souverains chrétiens hispaniques doivent peupler, administrer et gouverner les villes nouvellement acquises à l’image de Saragosse en 1118. L’entreprise de peuplement porte en soi des problèmes d’ordre politique, mais aussi d’ordre social, économique et religieux dans la mesure où il s’agit de savoir ce qu’il doit advenir des populations autochtones : les musulmans, les juifs et les mozarabes. Cela induit des questionnements liés aux statuts de ces différentes communautés confessionnelles, à leurs activités quotidiennes dans une ville nouvellement chrétienne mais aussi sur les rapports qu’elles entretiennent avec le pouvoir royal.

Une telle entreprise n’est pas dénuée de difficultés, principalement liées aux silences documentaires. Devant les faibles allusions aux communautés juives et musulmanes dans les chroniques et les récits littéraires médiévaux, les historiens se sont appuyés sur les actes diplomatiques. Deux types de chartes ont survécu en quantité substantielle pendant cette période : d’une part, les fueros et les chartes de franchise ; d’autre part, les collections d’échanges et de ventes de propriétés « privées ». Les archives ecclésiastiques de la ville de Tudèle contiennent ainsi environ une trentaine de chartes dans lesquelles des membres des communautés musulmanes et juives participent à des échanges et des concessions de terres depuis la conquête chrétienne jusqu’en 1225.

Le dépouillement des actes de la pratique à l’aide de l’anthroponymie – tout en tenant compte des incertitudes liées à cet outil – permettra de réaliser un référencement de ces groupes pour mieux appréhender leurs rapports, leurs activités et leurs comportements dans la ville. Les donations, les testaments, les achats, les ventes et les privilèges accordés par les souverains offrent des éléments réels et concrets sur leur réseau familial, leur degré d’intégration et leur vie quotidienne dans la société des XIe-XIIe siècles. Le projet prévoit en outre la construction d’une base numérique de données pour mieux mettre en valeur les résultats dans une perspective plus globale. Les informations recueillies et analysées à travers un système d’information géographique permettront également de mesurer la façon dont est occupée et organisée la ville : à titre d’exemple, le Rabad al-Ifrang, le quartier ou arrabal des francos de la ville de Tolède conquise en 1085 rassemble progressivement une majorité de marchands et d’artisans venus du nord des Pyrénées et nommés francos par l’historiographie et les sources.

Par ailleurs, il semblerait que les chartes de franchises octroyées par les monarques hispaniques dès la seconde moitié du XIe siècle comme le fuero de Jaca soient similaires à celles accordées par le comte Roger de Hauteville en Italie du Sud à la fin du XIe siècle ou à celles établies en Pologne au XIIe siècle pour accueillir des colons germaniques. Une approche comparative de ce modèle à l’échelle de l’Occident chrétien pourrait dès lors apporter des indications sur l’évolution de la ville en tant qu’entité structurant le territoire et sur les rapports entre les différentes communautés urbaines.

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