SPORES
Les familles
de la grande bourgeoisie juive parisienne :
patrimoine, spoliations et restitutions
(1940-2018)


Porteur

Cyril GRANGE

Participante

Corinne GOMEZ-LE CHEVANTON

Présentation du projet

Ce programme de recherche s’inscrit dans la continuité d’une étude d’histoire sociale menée sur les familles de la grande bourgeoisie juive parisienne sous la IIIe République (Grange, 2016) qui décrivait le processus d’assimilation d’une minorité s’ouvrant pleinement à la société de la IIIe République, processus violemment interrompu avec l’occupation de la France par l’Allemagne nazie et la politique antisémite du gouvernement de Vichy.

La présente recherche s’intéresse au devenir de familles de la grande bourgeoisie parisienne pendant l’Occupation sous l’angle de la spoliation économique dont elles ont été les victimes. Sa particularité est l’approche « prosopographique » retenue. Ce sont des processus individualisés, des itinéraires de spoliation qui seront mis au jour pour un groupe de familles relevant majoritairement du secteur bancaire, financier et du négoce.

La recherche, basée sur plusieurs séries d’archives fiscales et administratives, vise à décrire les modalités des spoliations et des restitutions dans le cas de ces familles économiquement privilégiées. L’enquête soulignera combien l’amende du milliard imposée par les allemands collectivement à la communauté juive a joué un rôle d’accélérateur de la spoliation financière individuelle. Le rôle de la Caisse des Dépôts et Consignations comme dépositaire des comptes israélites et intermédiaire des transferts financiers visant au paiement de l’amende est majeur.

Extrait carte postale d'Alger

Les archives patrimoniales permettent d’aller au-delà de la simple question de la spoliation et de la restitution économiques mais d’analyser des trajectoires familiales de gestion de la vie quotidienne et des stratégies de survie élaborées au cours des années d’occupation. Elles nous éclairent sur les itinéraires géographiques empruntés par ces familles pour se mettre à l’abri. Pour les familles restées en France, les archives révèlent la façon dont elles sont parvenues à subsister matériellement. Certaines ont été obligées de réaliser des actifs en leur nom personnel ou par l’intermédiaire des administrateurs provisoires. Pour les familles qui quittent le territoire national, se posent les questions des destinations de refuge et de l’incidence de leur absence sur l’ampleur de la spoliation de leurs biens.

Cette recherche bénéficiera des apports en terme de méthodologie et de décryptage des sources de la mission Mattéoli. La première étape est le dépouillement des déclarations de l’Impôt de Solidarité Nationale (ISN). Instauré le 15 août 1945, l’impôt prévoit un prélèvement sur les patrimoines en 1945, et une contribution sur les enrichissements éventuels réalisés entre 1940 et la fin de la guerre. La loi du 22 juillet 1941 enclenche la spoliation et désigne la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) comme réceptacle des sommes produites par l’aryanisation.

Les dossiers des consignations individuelles des biens juifs permettent de déterminer les montants et les circuits de la spoliation financière. Enfin, les archives du Commissariat Général aux Questions Juives (C.G.Q.J.), contiennent des dossiers individuels d’aryanisation, ceux des administrateurs provisoires et enfin ceux du Service de restitution. Elles permettent de mesurer l’ampleur individuelle de la spoliation au-delà de la spoliation strictement financière. C’est le croisement de ces sources, secondairement complétées, qui permettront de reconstituer des itinéraires patrimoniaux.

Extrait carte postale d'Alger
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